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Les personnes atteintes du syndrome de l’intestin irritable peuvent-elles adopter une alimentation végétarienne/végétalienne ?

L’alimentation végétarienne exclut les chairs animales.

L’alimentation végétalienne exclut l’ensemble des produits d’origine animale.

Qu’est-ce que le syndrome de l’intestin irritable (SII) ?

Il s’agit d’une pathologie chronique, également connue sous le nom de « colopathie fonctionnelle ou « côlon irritable » ; évoluant généralement par phases, elle se caractérise par des douleurs abdominales, et/ou des ballonnements, et/ou des diarrhées, et/ou de la constipation, et/ou des flatulences, et/ou une fatigue chronique, auxquels s’ajoutent parfois migraines, maux de dos, etc. Les symptômes qu’elle occasionne peuvent être très invalidants et grandement altérer la qualité de vie. Même si elle n’est pas décelable aux examens (prise de sang, coloscopie, biopsie), seul un médecin, généraliste ou gastro-entérologue, est en mesure de poser le diagnostic via un interrogatoire précis du patient, après avoir exclu d’autres pathologies pouvant présenter des symptômes similaires (maladie coeliaque, Crohn, colite ou cancer par exemple).

Est-ce que ce syndrome est répandu aujourd’hui en France ?

Il concerne 5 à 10% de la population, et en majorité des femmes (2 à 3 femmes pour 1 homme). Les patients atteints du syndrome de l’intestin irritable représenteraient un à deux tiers des consultations des gastroentérologues.

Est-ce que c’est grave docteur ?

Ce n’est pas une maladie grave, dans la mesure où il n’y a pas de risque augmenté de décès, mais les impacts sur la vie personnelle, sociale et professionnelle peuvent être importants.

Les connaissances liées au SII sont encore relativement limitées mais de gros progrès ont été réalisés ces dernières années permettant un meilleur dépistage du SII et une prise en charge plus efficace des patients.

Quels sont les contextes favorisant le SII ?

Dysfonctionnements physiologiques

Plusieurs éléments peuvent coexister et se combiner, rendant le diagnostic souvent complexe et réservé à des spécialistes :

  • une dysbiose : le microbiote (autrefois appelé « flore intestinale ») est altéré, sur le plan qualitatif et/ou quantitatif
  • une hypersensibilité viscérale, se traduisant par un seuil de la sensibilité intestinale plus bas que pour le reste de la population
  • des troubles de la motricité, provoquant un ralentissement ou une accélération du transit
  • une hyperperméabilité intestinale
  • des micro-inflammations
  • une communication perturbée entre le cerveau et le système digestif
  • des problèmes d’absorption des acides biliaires (impliqués dans la digestion des graisses)
  • etc.

Causes environnementales

Le stress/l’anxiété et l’alimentation jouent souvent un rôle prépondérant dans la survenue du SII et le déclenchement de crises, mais ne peuvent être à eux seuls à l’origine d’un SII.

Quels sont les éléments potentiellement déclencheurs d’un SII ?

Un SII peut se déclarer à la suite d’une infection (virale ou bactérienne), de la prise d’antibiotiques, d’un choc émotionnel/traumatisme psychologique ; parfois aucun déclencheur n’est identifié, le SII s’installant alors de façon progressive.

Quels sont les traitements disponibles ?

Il n’existe à ce jour aucun traitement qui permette de guérir du SII, mais plusieurs options thérapeutiques sont possibles pour soulager les patients des symptômes du SII ; parmi les plus efficaces : le régime low-FODMAPS qui, lorsqu’il est bien mené, permet d’améliorer les symptômes d’environ 75% des patients 1,2.

Le régime low-FODMAPS, qu’est-ce que c’est ?

FODMAPS signifie « Fermentable by colonic bacteria Oligosaccharides, Disaccharides, Monosaccharides, And PolyolS ».

Cet acronyme regroupe les diverses familles de glucides susceptibles de fermenter dans le côlon car peu ou pas digérés par les enzymes de l’intestin grêle (ce qui se manifeste notamment par la production de gaz) ; les glucides concernés sont essentiellement les fructanes, les galactanes, les polyols, le fructose et le lactose ; on les retrouve dans de nombreux aliments : le blé, les légumineuses, certains fruits et légumes, certains produits laitiers, certains produits industriels, certains bonbons et chewing-gum, etc.

Le régime low-FODMAPS (« pauvre en FODMAPS ») a été mis au point en 2005 par la Monash University en Australie et s’est depuis lors largement diffusé dans le monde ; il serait d’ailleurs plus juste de parler de « protocole FODMAPS » plutôt que de « régime low-FODMAPS », car le but est bien de réintroduire in fine les FODMAPS, et non de garder une alimentation pauvre en FODMAPS sur le long terme ; par ailleurs, afin d’éviter carences et échec (malheureusement très fréquents quand le régime est mal mené), ce protocole ne doit pas s’improviser et être encadré par un professionnel de santé dûment formé.

Il se déroule en plusieurs étapes, chacune étant de durée variable :

  1. Phase d’exclusion (ou plutôt de diminution importante) des aliments riches en FODMAPS : cette première phase dure de 4 à 12 semaines, et malgré le bien-être et le soulagement qu’elle peut procurer à de nombreuses personnes, elle ne doit pas être maintenue au-delà de 3 mois. Il faut garder à l’esprit que les aliments riches en FODMAPS ne sont pas de « mauvais » aliments, bien au contraire !… Puisque – hors lactose – ces FODMAPS sont en fait des fibres (appelées aussi prébiotiques), nécessaires à la bonne santé du microbiote intestinal qui les utilise pour « s’en nourrir ».
  2. Phase de réintroduction progressive des différentes familles d’aliments riches en FODMAPS : selon un protocole bien précis et personnalisé, cette phase vise à déterminer les seuils de tolérance de chacun pour les différentes familles de FODMAPS.
  3. Phase de stabilisation permettant de mieux gérer son alimentation sur le long terme. Ce régime ne sera pas forcément proposé en 1ère intention, car d’autres conseils alimentaires/nutritionnels couplés à des méthodes de relaxation peuvent se révéler efficaces et même parfois être suffisants.

Quelles différences avec le SIBO ?

Avec une symptomatologie très proche de celle du SII, le SIBO (Small Intestine Bacterial Overgrowth) se caractérise quant à lui par une hyperpullulation grélique, c’est-à-dire des bactéries présentes en excès dans l’intestin grêle. Comme pour le SII, le protocole FODMAPS peut également être recommandé et donner de bons résultats dans la prise en charge du SIBO.

Quel est le lien avec l’hypersensibilité au gluten ?

En dehors de la maladie coeliaque (= intolérance au gluten), le gluten peut être responsable de troubles regroupés sous le nom d’hypersensibilité au gluten. Une éviction du gluten, donc des produits céréaliers en contenant (seigle, avoine, blé, épeautre, orge, triticale), va donc possiblement améliorer les symptômes des personnes concernées alors même que ce n’est pas forcément le gluten (protéines) qui est en cause mais les fructanes (glucides de type FODMAPS) qui peuvent être à l’origine des troubles digestifs ! En excluant ces céréales de leur alimentation, ces personnes retirent ainsi non seulement le gluten mais aussi les fructanes, d’où la confusion ! Il faut noter qu’un SII et une hypersensibilité au gluten peuvent parfois coexister (la prévalence de l’hypersensibilité au gluten semblant plus élevée chez les personnes avec SII), mais c’est loin d’être systématique, et la distinction doit donc être faite en consultation via divers tests alimentaires.

Quid du végétarisme et du végétalisme dans ce contexte ?

Une prise en charge spécifique

Sachant que l’essentiel des aliments riches en FODMAPS – hors produits laitiers – est d’origine végétale, et que les alimentations végétariennes/végétaliennes sont majoritairement (voire exclusivement) constituées de végétaux, il paraît légitime de se demander si l’adoption de telles alimentations est envisageable en cas de SII. Une alimentation végétarienne, et a fortiori végétalienne, est en effet associée à un apport potentiellement conséquent en FODMAPS via les légumes secs, les céréales, les légumes et les fruits. Dans le cadre d’un protocole FODMAPS, et particulièrement pour les végétaliens, la principale difficulté résidera alors dans la couverture des besoins protéiques, notamment lors de la 1ère phase du régime (c’est moins le cas des végétariens qui peuvent temporairement augmenter leur consommation d’oeufs et de produits laitiers pauvres en lactose).

Ainsi, certaines personnes, faute d’informations correctes et d’accompagnement adéquat, vont donc se sentir obligées de réintégrer d’emblée des produits d’origine animale à leur alimentation, et/ou d’augmenter la consommation de ces produits pour pallier aux risques de carences… or, il y a plusieurs pistes à explorer en consultation avant d’en arriver là.

Dans ces situations, il est donc particulièrement important de se faire accompagner par un professionnel de santé expérimenté, qui aidera à la planification des repas et à la bonne progression du protocole FODMAPS, afin de maintenir et d’équilibrer une alimentation végétarienne/végétalienne tout en préservant le confort digestif.

Des données scientifiques peu nombreuses et aux résultats équivoques

Les travaux traitant conjointement de SII et d’alimentation végétarienne/végétalienne sont peu nombreux et ne délivrent pas de réponses tranchées. D’une part, les données sont exclusivement de nature épidémiologique, si bien qu’aucun lien causal n’a jamais pu encore être proposé entre les deux 3. D’autre part, les corrélations qui ont pu être établies ne sont pas retrouvées si on compare les études entre elles, certaines associant les alimentations végétariennes/végétaliennes à un facteur de risque du SII 4,5,6 alors que d’autres les présentent comme des alimentations protectrices du SII (viandes et œufs étant dans ce cas rangés dans les aliments favorisant le SII) 7,8.

Compte tenu des données actuelles de la littérature et sachant que les facteurs potentiellement impliqués dans cette pathologie sont nombreux et de nature très diverse, il convient de relativiser le rôle que pourrait représenter l’éviction ou non de produits animaux dans la survenue et le traitement du SII.

Si être végétarien/végétalien peut complexifier sensiblement la mise en oeuvre du protocole FODMAPS, souffrir d’un syndrome de l’intestin irritable (SII) ne semble pas constituer un obstacle infranchissable à l’adoption ou à la poursuite d’une alimentation végétarienne ou végétalienne.

De façon plus générale (même en l’absence d’un SII), si vous souhaitez adopter une alimentation végétarienne/végétalienne, il est vivement recommandé d’opérer une transition douce, en intégrant notamment les légumes secs et les aliments riches en fibres de façon progressive, afin que le microbiote ait le temps de s’adapter.

Références

Livres

Sabaté, Professeur Jean-Marc. Intestin irritable: Équilibrez votre microbiote et faites la paix avec votre côlon. Ed. Larousse, 2020.
Mion, François. Le syndrome de l’intestin irritable. Ed. Mango, 2019.
Gaillet-Legendre, Séverine. Le syndrome de l’intestin irritable (SII): Comment l’identifier et le combattre ?. Ed. La Maison, 2018.

Site internet

APSSII (Association des patients souffrant du syndrome de l’intestin irritable)

Publications scientifiques

  1. Tuck, C., Ly, E., Bogatyrev, A., Costetsou, I., Gibson, P., Barrett, J., & Muir, J. “Fermentable short chain carbohydrate (FODMAP) content of common plant-based foods and processed foods suitable for vegetarian- and vegan-based eating patterns”. Journal of human nutrition and dietetics : the official journal of the British Dietetic Association, 31(3), 422–435 (2018).
  2. Chey, W. D., Kurlander, J., & Eswaran, S. “Irritable Bowel Syndrome – A Clinical Review”. Journal of the American Medical Association, 313(9), 949 (2015).
  3. Nath, P. and S. Singh. “Defecation and Stools in Vegetarians: Implications in Health and Disease.” dans le livre Vegetarian and Plant-Based Diets in Health and Disease Prevention, 473-481 (2017).
  4. Ghoshal, Uday C, and Rajan Singh. “Frequency and risk factors of functional gastro-intestinal disorders in a rural Indian population.” Journal of gastroenterology and hepatology vol. 32,2: 378-387 (2017).
  5. Buscail, C., Sabate, J. M., Bouchoucha, M., Torres, M. J., Allès, B., Hercberg, S., Benamouzig, R., & Julia, C. “Association between self-reported vegetarian diet and the irritable bowel syndrome in the French NutriNet cohort.” PloS one, 12(8), e0183039 (2017).
  6. Guo, Y. B., Zhuang, K. M., Kuang, L., Zhan, Q., Wang, X. F., & Liu, S. D. “Association between Diet and Lifestyle Habits and Irritable Bowel Syndrome: A Case-Control Study.” Gut and liver, 9(5), 649–656 (2015).
  7. Goyal, O., Nohria, S., Dhaliwal, A. S., Goyal, P., Soni, R. K., Chhina, R. S., & Sood, A. “Prevalence, overlap, and risk factors for Rome IV functional gastrointestinal disorders among college students in northern India.” Indian journal of gastroenterology : official journal of the Indian Society of Gastroenterology (2020).
  8. Khayyatzadeh, S. S., Esmaillzadeh, A., Saneei, P., Keshteli, A. H., & Adibi, P. “Dietary patterns and prevalence of irritable bowel syndrome in Iranian adults.” Neurogastroenterology and motility : the official journal of the European Gastrointestinal Motility Society, 28(12), 1921–1933 (2016).

1 commentaire pour “Les personnes atteintes du syndrome de l’intestin irritable peuvent-elles adopter une alimentation végétarienne/végétalienne ?”

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